Pièce no.3 : L’image

C’est un clin d’œil manifestement non perçu, contenant un message ô combien pertinent, mais que le temps nous révèlera beaucoup plus tard. Un jour, Alpha et moi, alors que nous n’avons pas la moindre idée d’aller vivre en Polynésie, alors que nous ne savons pas très bien situer sur un globe terrestre l’ensemble des cinq archipels la constituant, alors que « Toa Marama » ne signifie absolument rien pour nous, l’une de nos filles nous offre une reproduction d’une aquarelle de Paul Gauguin. (1995). Je la place dans mon bureau. Elle trône ainsi pendant des années, en évidence, sans que nous sachions encore qu’elle deviendra la troisième pièce du puzzle.

Un homme et une femme nus sur une île contemplent l’océan. Harmonie simple et éternelle. Nous n’irons pas plus loin dans cette interprétation, les plus belles méritent du recul. Nous faisons comme attendre. Le temps s’installe. Il attend que nous comprenions que ces quelques couleurs jetées sur le papier symbolisent Moana, le Grand Océan où nous naviguerons un jour…

Un homme et une femme nus sur une île contemplent les flots. Mais le temps nous joue des tours. Il ralentit, inverse sa flèche et revient deux mille ans en arrière, car l’image est accompagnée d’un texte, dont on ne sait pas encore quelle extraordinaire résonance il va prendre, cinq ans plus tard …

<<< … Parau atu ra o Ruahatu ia na e haere i ni’a ia Toa Marama. Ia veta’i tahi e va’a teie, i te tahi atu e motu ia, ‘aore ra e, mou’a. Ia ‘u, e pi’i ia vau e faura’o teie no te hi’o noa i te aura’a o Toa Marama, ‘aito no te ‘ava’e, no te marama. Peneia’e e tā’aira’a tē vai nei i ni’a i te faura’o huru rau ato’a, te mau ‘ati rahi i te ao nei e te marama … Ia tae te ta’ata rāvā’ai e tō na ‘utuafare i te vāhi i fa’ata’ahia, tē pānanu mai ra te tai ma te nina roa i te fenua tā’ato’a e tae roa i ni’a i te mau mou’a teitei. Matemate noa atu ra te ta’ata maoti o teie mau pu’era’a i ni’a ia Toa Marama. Nā teie ia mau ta’ata i fa’a’ī fa’ahou atu i te mau motu i muri a’e … >>>

<<< … Ruahatu lui dit d’aller sur le Toa Marama qui d’après les uns est une pirogue, d’après les autres une île ou une montagne, mais que je nommerai Arche, remarquant seulement que Toa Marama signifie Guerrier de la Lune, ce qui me fait supposer que l’Arche quelconque et l’ensemble de l’événement du cataclysme ont quelque rapport avec la lune … Quand le pêcheur et sa famille se furent rendus à l’endroit indiqué, les eaux de la Mer commencèrent à monter et couvrant jusqu’aux montagnes les plus élevées, firent périr tous les êtres, à l’exception de ceux qui étaient sur ou dans le Toa Marama, et qui, plus tard, repeuplèrent les îles ou la terre … >>>

Noa Noa
Paul Gauguin