Dans mon enfance j’ai piloté un bateau de promenade
J’avais une dizaine d’années, on était en vacances aux Sables d’Olonne. Je jouais souvent avec les copains autour du port, surtout du côté de la Chaume, le « berceau de la cité des pêcheurs » comme on disait alors. Parfois cependant, « je prenais le passeur » (autre expression du coin) pour aller aux Sables. On montait à bord d’une barque plate et très large, qu’un marin à la retraite manœuvrait avec efficacité à l’aide d’une godille pour traverser le chenal. Les Sables, c’était la ville, la grande ville de l’autre côté du port. C’était aussi la belle plage déjà renommée et c’était aussi le bateau de promenade.
Le bateau de promenade était un ancien bateau de pêche, peint en blanc et possédant de multiples bancs en bois vernis où s’asseyaient les touristes souhaitant découvrir l’océan. Ma sœur – nettement plus âgée que moi - était amoureuse du fils du patron du bateau de promenade qui s’appelait Florent. Or ce garçon pilotait souvent le bateau. Par gentillesse pour moi ou pour plaire à ma soeur, il m’emmenait parfois, lors des balades touristiques, pour aller flirter au large avec « Les Barges », un grand phare sombre et un peu terrifiant marquant la limite entre la zone navigable et les brisants dangereux du nord de la côte. Florent me faisait parfois un formidable cadeau. Le bateau était à peine sorti du chenal qu’il allait chercher un petit banc. Il le disposait dans la cabine de pilotage devant la barre à roue, je montais dessus et j’avais le droit de prendre le commandement des opérations. Seul, je tenais vraiment la barre ! En fait, je ne faisais que garder le cap sous l’oeil attentif de Florent qui, tout à côté de moi, me surveillait de près, mais c’était un immense plaisir. Une grande fierté m’envahissait quand je croisais les regards des touristes un peu étonnés quand même de découvrir qui « pilotait » le bateau !